Aurel Rotival

100% c'est l'Etna

#30 : Le retour des nazis (mais en costard) Podcast Episode · Une invention sans avenir · 02/25/2025 · 1h 54m

PS : J'avais déjà parlé de ces histoires dans cet épisode de l'excellent podcast des ami·e·s de @uisa.bsky.social, toujours écoutable ici : podcasts.apple.com/us/podcast/3...

Le numéro complet de la revue est disponible en téléchargement et consultable gratuitement ici : revue-pagaille.fr/a-la-table-d...

It's Always Sunny in Philadelphia (2007, saison 3, épisode 2) : les McPoyle, famille d'immigrés irlandais présentée comme consanguine, s'aspergent mutuellement de lait

Parce qu'aux États-Unis son histoire économique et symbolique est liée à l'expansion, à la définition et à la promotion de la race blanche, les images de lait viennent donc accompagner, souligner, interroger ou mettre en crise les représentations audiovisuelles américaines de la blanchité.

Gummo (Harmony Korine, 1997) : Dans l'eau noircie du bain dans lequel il prend son repas, Solomon, jeune white trash d'une petite ville de l'Ohio, accompagne ses spaghettis par un grand verre de lait

Du film Gummo à la série It's Always Sunny in Philadelphia, plusieurs personnages de white trash américains sont représentés consommant du lait en quantités plus ou moins importantes.

La Colline a des yeux (remake d'Alexandre Aja, 2015) : avant un viol et un meurtre, l'un des mutants cannibales se rassasie d'une brique de lait volée dans la caravane de la famille Carter

L'injure "white trash" permet par exemple de désigner - tout en les racialisant - ces blanc·he·s dont la pauvreté, le comportement ou la moralité menacent l'invisibilité de la blanchité, pilier de ses privilèges et de son hégémonie.

The Road to Wellville (Alan Parker, 1994) : Eleanor Lightbody, riche américaine blanche, participe aux cures du docteur eugéniste Kellogg, consistant notamment en des bains de lait

C'est en effet l'un des traits définitoires de la blanchité : c'est une catégorie arbitraire, construite sur des nuances internes et mouvantes où s'articulent d'autres enjeux liés au genre, à la classe et à la sexualité.

Psychose 2 (Richard Franklin, 1983) : sur la table de Norman Bates, le psychopathe le plus célèbre de l'histoire du cinéma, une brique et un verre de lait

Dans le même temps, le lait devient l'attribut de personnages de psychopathes, meurtriers, pédophiles et tueurs à gages dont les actions violentes et immorales contredisent l'apparente normativité physique et raciale.

The Boys (2020, saison 2, épisode 1) : Homelander, figure nationaliste, autoritaire et raciste, trempe sa langue dans un biberon rempli de lait maternel

La blancheur du lait, devenu symbole de pureté raciale et morale, vient parfois souligner l'idéologie eugéniste, raciste ou fasciste de certains personnages, à l'image du colonel SS Hans Landa dans Inglorious Basterds ou de l'affreux Homelander, souvent comparé à Trump, dans la série The Boys.

Mad Max: Fury Road (George Miller, 2015) : devant les mères nourricières dont il colonise les ressources corporelles, Immortan Joe tient une bouteille de lait

Des verres et des bouteilles de lait apparaissent ainsi dans plusieurs œuvres qui interrogent l'aspect racial du colonialisme, à l'image de Mad Max: Fury Road ou de la série Westworld.

La performance He Will Not Divide Us, organisée par Shia Labeouf à New York lors de la première élection de Trump, interrompue par des militants néo-nazis buvant des bidons de lait

Les représentations audiovisuelles du lait - qui aux Etats-Unis a accompagné l’entreprise impériale européenne, les théories racialistes ou encore les réformes hygiénistes et morales liées à l’expansion de la classe moyenne blanche - sont un motif idéal pour répondre à ce programme méthodologique.

Steak (Quentin Dupieux, 2007) : un membre des Chivers, inquiétant gang fasciné par le calcul mental, la chirurgie esthétique et... le lait

Dans son livre White, consacré aux représentations occidentales de la blanchité (Routledge, 1997), Richard Dyer a proposé de rendre la blanchité « étrange » (p.4), en attirant l’attention sur son caractère construit, arbitraire et contingent.

Pleasantville (Gary Ross, 1998) : sur la table d'une famille américaine blanche idéale, calquée sur la publicité et la propagande des années cinquante, une bouteille de lait entamée

Les études critiques sur la blanchité (critical white studies) proposent de considérer la blanchité comme une catégorie raciale à part entière, fonctionnant comme une norme et notamment caractérisée par son invisibilité.

Safe (Todd Haynes, 1995) : la bien-nommée Carol White, interprétée par Julianne Moore, boit un verre de lait dans sa riche demeure

Mon article se concentre sur un corpus d'œuvres audiovisuelles étasuniennes où la représentation de verres et bouteilles de lait voisinent avec un certain nombre d'interrogations liées aux identités blanches.

Couverture du numéro : détail d'un tableau d'Andrea Landini montrant un cardinal prêt à se régaler d'un melon

J'ai participé au quatrième numéro de l'excellente revue Pagaille (littératures et médias comparés) consacré aux liens entre nourriture et émotions dans les arts et la littérature.

🥛 Le lait au cinéma comme vous ne l’aviez jamais pensé !

« Lactations filmiques » d’Aurel Rotival

💧 Aussi dans @telerama.bsky.social, Juliette Cerf : « TRISTES FLUIDES - Que disent les larmes, d’eau ou de lait, qui coulent à l’écran ? Deux essais qui ruissellent de références. »

Le film mexicain "Sueño en otro odioma" (Ernesto Contreras, 2017) : une statue du Christ pleure des larmes de sang

Le programme : www.unilim.fr/ehic/2025/05...

Le tableau "Homme de douleurs", peint par Aelbert Bouts en 1495 environ : les gouttes de sang de la couronne d'épines se mêlent aux larmes du Christ

Il permet à de nombreux films - parfois très peu catholiques, d'ailleurs - de réinvestir des données morales et spirituelles auparavant travaillées par la théologie chrétienne.

Le film The Third Miracle (Agnieszka Holland, 1999) : sous la pluie, une main essuie les larmes de sang pleurées par une statue de la Vierge Marie

J'y suivrai un trope visuel, particulièrement récurrent au cinéma, à toutes époques, dans tous genres et en toutes régions : celui des larmes de sang.

Frayeurs, réalisé par Lucio Fulci en 1980 : une larme de sang perle sur la joue d'une femme, cadrée en gros plan

À l'Université de Limoges ce mercredi pour la deuxième édition du colloque "Larmes : entre le corps et l'esprit" !

Nouveau livre de notre cher @aurelroti.bsky.social ! 🥛

Ça parle de jets de lait, de racisme et de Jésus queer.

(Si ça ne suffit pas à vous le vendre, je sais pas ce qu’il vous faut…)

On peut plus rien montrer #wokisme

Le livre est disponible depuis le 20 mars, dans quelques librairies ou en commande sur le site web des PUR ! pur-editions.fr/product/1000...

L'Avventura (Antonioni) : lors d'une fête dans un palais sicilien, un tableau représentant la Charité romaine (une jeune femme allaite un homme d'âge mur) est accroché au mur

Le cinquième et dernier chapitre étudie les nombreuses adaptations filmiques d'un thème pictural et littéraire : la Charité romaine. Cette image d'allaitement entre adultes permet aux films d'imaginer des communautés alternatives et de bouleverser les structures patrilinéaires de la parenté.

Le film Je me tue à le dire (Xavier Seron) : un homme offre, de son sein, une lactation miraculeuse à un petit chaton

Dans le quatrième chapitre, je me penche sur les féminisations du Christ accomplies par l'iconographie, la théologie et la mystique chrétiennes : le motif des "mamelles du Christ" permet d'éclairer quelques images d'allaitements masculins et de fluidité des genres figurées dans certains films.

Le film haïtien Mange ceci est mon corps (Michelange Quay) : du lait blanc ruisselant recouvre entièrement le visage d'un homme noir

Le troisième chapitre enquête sur les questions raciales qui accompagnent quelques images filmiques de lait, entre désirs pathologiques de blanchiment (que Fanon appelait "lactification") et pureté symbolique de la race blanche proclamée par les suprémacistes et les fascistes.

Que viva Mexico (Eisenstein) : un péon mexicain s'abreuve de maguey, un alcool laiteux versé dans une chopine

Le deuxième chapitre étudie comment les images de lait ont accompagné les films de cinéastes soviétiques (Eisenstein, Kalatozov, Paradjanov) et les négociations de leur identité ethno-nationale, entre russification imposée par le pouvoir moscovite et hommage aux traditions folkloriques domestiques.

Orange mécanique (Kubrick) : dans un bar, l'un des voyous reçoit dans son verre le lait jaillissant du sein d'une statue de femme nue

Le premier chapitre se penche sur ces figures féminines allaitantes qui, dans des films majoritairement réalisés par des hommes, sont modelées sur la Vierge Marie. C'est l'occasion d'un retour historique sur l'érotisation du sein et sur l'impossible modèle proposé par la Vierge aux femmes réelles.

Dans un vieux slapstick américain de 1915 (Mabel and Fatty's Simple Life), un jet de lait lait frappe la bouche d'un garçon de ferme

C'est une étude iconologique sur les multiples motifs lactés qui parsèment l'histoire du cinéma, doublée d'une enquête historique et culturelle informée par les cultural studies : cinq essais se penchent sur la manière dont ces images de lait interrogent des problématiques culturelles décisives.

La couverture du livre, avec une image de lait ruisselant sur une main tendue (La Ligne Générale, Eisenstein)

Je suis très heureux d'annoncer la parution de mon deuxième livre, Lactations filmiques : une iconologie des images de lait, dans la belle collection PUR-Cinéma des Presses Universitaires de Rennes.
pur-editions.fr/product/1000...