Matérialisme et spiritualisme : Coincidentia oppositorum
Il existe des dichotomies dont on pourrait faire l’économie. Une conception dévoyée de la laïcité en France, un marxisme insistant particulièrement sur le matérialisme historique et dialectique et son corollaire supposé, le rejet de l’idéalisme, une extrême droitisation de l’ésotérisme par les mouvances traditionalistes prêchant à l’envie la théocratie, l’impérialisme, voire le libéralisme par défaut, tout cela – pour faire simple – contribue à l’émergence d’une idée simple dans les milieux ésotérisants : la gauche est systématiquement matérialiste, la droite, voire l’extrême droite, est seule possiblement spiritualiste. Non seulement c’est une vue de l’esprit erronée, mais elle conduit à des prises de position qui manifestent une autre confusion, celle de deux adjectifs au sens distincts : « traditionaliste » et « traditionnel ». Ce blog n’étant pas le lieu des publications ou des articles, je me contenterai de quelques remarques, en passant. L’ésotérisme occidental ne commence pas avec René Guénon et tous les courants droitistes qui se réclament plus ou moins directement de lui, pas plus que la tradition catholique ne commence avec l’intransigeantisme et le traditionalisme occidental. Bien entendu, il ne manque pas d’auteurs majeurs dans ces mouvances, et je ne jette pas d’anathèmes comme c’est trop souvent l’habitude dans ces milieux. Pour ma part, je ne m’interdis aucune lecture, je ne me soumets à personne. Adorer des hommes me paraît hautement douteux sur le plan traditionnel. Précisons. Est traditionnel celui qui cherche à rester fidèle à une tradition. La Tradition n’existe pas ou est inconnaissable, ce qui revient au même. L’homme traditionnel est donc constamment en recherche d’une tradition inévitablement vivante. Si elle ne l’était pas, ce serait affaire de musées ou de bibliothèques. La secte et la chapelle lui sont inconnues. Est traditionaliste celui qui s’attache à un courant ou une mouvance particulière qui se considère comme la voie traditionnelle. La secte et la chapelle sont alors récurrentes. C’est pour cela que l’Église catholique romaine parle de « tradition vivante », depuis qu’elle s’est éloignée de l’intégrisme qui la caractérisait largement depuis la Révolution jusqu’au pontificat de Jean XXIII. Cela étant, l’homme traditionnel n’est ni essentiellement de droite, ni essentiellement de gauche. L’homme traditionnel peut s’inscrire dans la tradition – métaphysique, mystique, ésotérique, et donc religieuse – en adoptant, ou pas, une théologie politique de gauche ou de droite. On me dira qu’il y a bien du bricolage dans tout ceci. Cela est vrai. Mais je prends le bricolage très au sérieux, beaucoup moins ceux qui prétendent que leur bricolage est la voie traditionnelle unique. Afin d’éclairer la question, je me fonderai sur un des écrits de François Jollivet-Castelot (1874-1937). Martiniste, adepte de l’alchimie, il adhère au Parti Communiste Français mais y critique le matérialisme athée. Après la première guerre mondiale, il publie Le Communisme spiritualiste (1925) et Jésus et le communisme (1926)[1]. Ainsi, dans Communisme spiritualiste, l’auteur ne propose pas un communisme spiritualisé, il reconnaît la justesse du matérialisme historique et dialectique mais tout en critiquant le refus de tout spiritualisme. Et la thèse de Jollivet-Castelot est loin d’être absurde. Comment peut-on, à moins d’adhérer à la religion capitaliste – comme le dit aujourd’hui Bernard Friot –, ne pas abonder dans son sens quand il affirme : « Or, il va de soi que les moyens de production doivent être au service des travailleurs et non pas les travailleurs au service des moyens de production comme cela a lieu sous le régime de la bourgeoisie capitaliste. C’est à celui-là seul qui travaille d’une façon quelconque qu’il appartient de jouir des produits de son labeur[2] » ? Il est exact d’affirmer, comme le fait Jean Vilbas, que François Jollivet-Castelot souhaitait s’écarter « de la doctrine matérialiste marxiste » [3] mais, précisons-le, s’écarter n’est pas s’opposer. Le matérialisme dialectique et historique de Marx a sa pleine légitimité, dans le domaine qui est le sien. Ainsi, si l’auteur parle bien des « insuffisances du communisme matérialiste », c’est en ajoutant que « en ce qui concerne l’Économie politique proprement dite, le marxisme demeure inattaquable ». François Jollivet-Castelot déplore, et ce sera l’objet de son livre, que le marxisme laisse de côté ce que l’occultiste nomme « le domaine idéologique, moral et sentimental » mais il insiste aussi sur l’importance du parti communiste et sur la question nécessaire de la lutte des classes : « Le programme d’action du Parti Communiste est en effet basé sur la lutte des classes. Or, cette lutte, quoiqu’on en dise, est une nécessité dans l’état actuel de la société si les Prolétaires veulent arriver à un résultat durable et pratique. » Le communisme spiritualiste devait permettre d’éviter « la haine » dans la lutte[4]. Enfin, il était a minima christique, voire chrétien : « Il importe donc avant tout au missionnaire spiritualiste de bien prouver qu’il adhère franchement aux idées communistes et qu’il n’appartient à aucune confession religieuse, que sa foi et sa certitude sont toutes personnelles et que s’il s’inspire spécialement de l’esprit immortel de Jésus, sans négliger l’esprit des autres grands penseurs de l’humanité, son christianisme n’a rien à voir avec le catholicisme ou le protestantisme, formes indiscutablement dépassées par l’intellect religieux moderne[5]. » On ne voit pas bien pourquoi le catholicisme et le protestantisme seraient des « formes indiscutablement dépassées », et cela tient certainement à l’anticléricalisme et au désir d’une « voie mystique » excluant les Églises qui caractérisaient particulièrement les christianismes ésotériques de cette époque. Mais cela importe peu, quant à la question qui nous occupe ici. Si le communisme de Jollivet-Castelot est indissociable de ses conceptions mystiques, ou spiritualistes, il ne s’oppose ni aux travaux de Marx, ni à la lutte des classes. Rappelons que cette-dernière fut la grande oubliée des libéraux-libertaires, comme le rappelait par ses écrits Michel Clouscard. Jollivet-Castelot ne comptait pas faire l’économie de la lutte des classes et, en cela, il était bien plus fidèle à Marx que bien des marxistes structuralistes. Il aura donc fallu la mouvance traditionaliste pour donner l’impression que toute pensée spiritualiste devait inévitablement être de droite, conservatrice, contre-révolutionnaire, grâce à un bricolage de haut vol, qui mérite toute notre attention, mais dont on ne fera pas un nouveau catéchisme. Cette droitisation de l’ésotérisme conduit parfois, à mon sens, à bien des dangers. L’anti-libéralisme traditionaliste sans nuance, ne semble pouvoir aboutir, à notre époque, qu’à l’adhésion à de nouvelles formes de fascismes ou à l’acceptation d’un néolibéralisme ou d’un libertarianisme d’extrême droite. Triste aboutissement politique. Où est le beau, le vrai et le bien ? En Russie, c’est le néo-eurasianisme d’Alexandre Douguine, rouge-brun diront certains, en réalité surtout d’extrême droite. Il est présenté ainsi par Vinogradov, propos rapportés par Mark J. Sedgwick : « Ils sont en train d’animer d’une énergie bruyante une utopie réactionnaire qui a échoué il y a longtemps, une tentative de la faire grâce à l’injection d’un nouveau vaccin – une combinaison « d’orthodoxie » et « d’islam » au nom de la lutte contre le « sionisme » insidieux, l’Occident « catholique » putride et toutes sortes de choses judéo-maçonniques… Malgré toute leur incompétence [intellectuelle], ils sont très dangereux. Après tout, la tentation d’un fondamentalisme religieux dans notre siècle d’incroyance et de corruption spirituelle générale attire un grand nombre de gens désespérés qui ont perdu leur chemin dans ce chaos[6]. » Ajoutons immédiatement et un peu rapidement que le traditionalisme ésotérique a conduit à la marge, en Occident, quelques penseurs, écrivains, journalistes à l’intégrisme catholique où l’on cultive des tendances similaires tels l’antisémitisme, l’antimaçonnisme, la détestation de la démocratie, etc. Aux Etats-Unis, la figure de Steve Bannon est particulièrement représentative d’un autre bricolage, celui des capitalistes libertariens. Le bricolage traditionaliste de Bannon en fait un double de celui de Douguine, adapté pour l’Occident capitaliste Nord-Américain. Bannon développera un discours politique populiste, protectionniste et nativiste, insistant sur les thématiques familiales conservatrices, le tout marqué par un discours conspirationniste et antisystème[7]. S. Bannon tenta de travailler avec les intégristes catholiques, dont le cardinal Burke. Les conséquences politiques du bricolage traditionaliste n’est pas très différent du côté israélien. Qu’on considère une personnalité comme Avraam Shmulevich, rabbin hassidique radical d’extrême droite pour lequel le renoncement à coloniser les « territoires occupés » est blasphématoire[8]. Je souhaiterais enfin terminer ce tour d’horizon des conséquences politiques contemporaines du traditionalisme par un philosophe catholique de grande qualité, à savoir Jean Borella. Ce dernier a été très marqué par l’œuvre de Guénon, plus encore par celle de Frithjof Schuon bien qu’il ait pris ensuite ses distances. Il fut particulièrement marqué par le penseur original Raymond Ruyer (1902-1987) qu’il admirait[9]. Il n’est pas question de remettre en question la grande qualité des travaux de Jean Borella. Mais, quand il s’agit de s’engager sur le terrain de l’économie politique – ce qu’il fera peu –, avec un regard traditionaliste, le résultat est quelque peu déconcertant ; et son admiration pour R. Ruyer n’y est pas pour rien. Paul Ducay présente ainsi sa réfutation de Marx : « Enfin le philosophe de l’économie politique Karl Marx (1818-1883) achève le processus de réduction, en réduisant les objets de la religion à une analyse purement et simplement matérialiste[10]. » En effet, « d’après Marx, la vérité de la religion n’est pas dans la réalité immatérielle, mais dans les conditions matérielles de la vie humaine [11]. » Enfin, « C’est pourquoi Marx explique que la religion est l’opium du peuple, parce que les Hommes, en particulier les travailleurs, se mettent à croire dans ses figures et ses dogmes afin d’espérer jouir dans la vie posthume du bonheur dont ils sont privés dans leur vie présente[12]. » Paul Ducay explique que, pour Borella, il s’agit de montrer qu’il existe dans l’athéisme philosophique, « une manière commune de procéder en la méthode génético-critique explicitement thématisée par le célèbre jeune hégélien Ludwig Feuerbach au XIXe siècle. Cette méthode vise toujours à « « soupçonner » les énoncés symboliques » en critiquant les prétentions dogmatiques de la religion[13]. » On aimerait bien être certain, comme semble l’être J. Borella, que la religion n’est pas l’opium du peuple. Mais la réalité des faits est moins catégorique. Qu’on constate l’attitude d’une partie du clergé face au travail des enfants au XIXe siècle : « L’attitude des représentants de l’Église est plus nuancée. Certains ecclésiastiques sont totalement impliqués quand ils dirigent des ouvroirs et des orphelinats qui utilisent la main-d’œuvre infantile. On peut alors les assimiler au monde patronal qui sera abordé plus loin. D’autres membres du clergé se trouvent concernés par le biais de l’enseignement, en particulier dans le cas des écoles religieuses qui sont une cause de tension au moment où la République s’affirme. Ainsi, dans le bassin houiller, les ecclésiastiques sont accusés de connivence avec les dirigeants. Analysant l’enquête ministérielle de 1880, Gérard Pio constate que « l’Église est le principal soutien des compagnies minières qui le lui rendent bien en favorisant ses entreprises et en finançant l’installation d’écoles congréganistes. » À Gréasque, les jeunes ne sont reçus à la mine que sur présentation d’un billet du curé ; dans plusieurs exploitations, l’ouvrier mineur, s’il veut conserver son emploi, doit envoyer ses enfants à l’école congréganiste fondée par la compagnie[14]. » Mais Jean Borella ne se contente pas de réfuter cette conception de l’illusion religieuse au service de l’Église institution et du patronat, il s’attaque à la pensée économique de Marx elle-même, dans Marxisme et sens chrétien de l’histoire. Borella critique en effet la « conception marxiste de la plus-value » [15]. On est étonné d’apprendre que la doctrine marxiste est abandonnée par la science économique parce qu’elle ne permet aucune prévision [16]. On se souviendra de la façon savoureuse avec laquelle l’économiste B. Maris se moquait du pouvoir de prévision des sciences économiques [17]. Cela aura échappé à Borella. L’être humain, nous explique Borella, réduit ontologiquement l’être humain à une réalité exclusivement économique[18]. C’est un contresens manifeste. C’est l’aliénation causée par le capitaliste qui empêche les êtres humains, certains plus que d’autres, d’être libres et vraiment humains. Le capitalisme est déshumanisant, pas Marx. L’anticommunisme traditionaliste conduit à bien des réductions, celles-là bien réelles ! En effet, selon Marx le travail aliéné nuit à la nature et à la dignité naturelle de l’humain : « D’abord, dans le fait que le travail est extérieur à l’ouvrier, c’est-à-dire qu’il n’appartient pas à son essence, que donc, dans son travail, celui-ci ne s’affirme pas mais se nie, ne déploie pas une libre activité physique et intellectuelle, mais mortifie son corps et ruine son esprit [19]. » C’est donc bien le capitalisme qui assimile la vie du travailleur à sa force de travail et pas Marx qui met en lumière « l’anthropologie » capitaliste. C’est en partie ce texte de Marx qui conduira Michel Henry à voir dans la philosophie marxienne une métaphysique de la vie conciliable avec le christianisme [20]. Malgré les efforts que Borella déploie pour critiquer radicalement les thèses marxiennes, à l’aide de saint Thomas et d’Aristote, quand ce n’est pas en citant des affirmations étranges de Ruyer, il n’aboutit qu’au rétablissement illusoire de la bourgeoisie capitaliste dans le procès de production comme travail vivant. C’est ce que permet sa thèse aristotélicienne de la « forme de travail » : « Et pourtant, à elle seule la force de travail n’est rien. Elle ne devient quelque chose que si elle est « informée », déterminée, par la forme de travail. Cette forme de travail est constituée par tout un ensemble d’éléments qui ressortissent aux trois phases de processus de production : les matières premières et les équipements imposent une première détermination à la force de travail ; puis l’entrepreneur définit et coordonne les tâches qu’effectuera cette force de travail, lui imposant une deuxième détermination dans son exercice même ; enfin la finalité de l’objet produit, en fonction de l’utilité sociale, impose une troisième détermination[21]. » En quelques mots, Borella a introduit dans le processus de détermination de la force de travail la bourgeoisie capitaliste, par la figure de l’entrepreneur, et voilà la spoliation du prolétariat et sa déshumanisation envolées ! Borella ne distingue pas le procès de production matériel du procès de production capitaliste. En effet, « le procès de travail n'est rien d'autre que le travail lui-même, considéré au moment de son activité créatrice[22] », mais le « procès de production capitaliste » est autre chose, il est « unité du procès de travail et du procès de valorisation », ce qui est clairement, et non sans esprit, expliqué ainsi par Marx : « Le produit spécifique du procès de production capitaliste n'est ni un simple produit (valeur d'usage), ni une simple marchandise, c'est-à-dire un produit ayant une valeur d'échange; c'est la plus-value, autrement dit, des marchandises ayant une valeur d'échange plus grande, et représentant un travail supérieur à celui qui a été avancé sous forme de monnaie ou de marchandise. Le procès de travail n'apparaît au capital que comme moyen, et le procès de valorisation ou la production de plus-value comme but. Dès que l'économiste s'en souvient, il déclare que le capital est une richesse utilisée dans la production pour « faire du profit[23]. » » L’entrepreneur a donc un rôle social dans le procès de production et il participe au procès de valorisation : production des biens et de la plus-value. La force de travail est la Vie elle-même, c’est dans le système capitaliste qu’elle devient une marchandise. Donc, Borella a tort d’affirmer « à elle seule la force de travail n’est rien ». Et sa démonstration n’est rien d’autre qu’un exposé capitaliste à la sauce aristotélicienne pseudo-traditionnelle. C’est la redite du mensonge capitaliste, la confusion du travail mort et du travail vivant. Le travail mort ne domine plus le travail vivant, la Vie, mais le détermine ! L’entrepreneur ne domine plus et n’exploite plus le travailleur en achetant sa force de travail, il la détermine ! Et que dire de l’utilité sociale quand on voit à quel point le capitalisme est aussi un système qui engendre des bénéfices par la vente d’objets tous aussi inutiles les uns que les autres ? Voilà Aristote qui légitime le capitalisme. Après tout, il légitimait bien l’esclavage. On voit à quel point, comme l’écrit Borella, « le philosophe de la nature, c’est Aristote » ! Infaillible Aristote quand il s’agit de justifier l’esclavage et, grâce à Borella, l’exploitation capitaliste. Mais fallait-il aller jusque-là ? Peut-être s’agissait-il de s’arrêter à l'importance de R. Ruyer, qui est manifestement pour Borella un des plus grands philosophes de son temps, ce qui ne me convainc pas. Quant au sujet qui nous occupe, Ruyer était surtout un libéral anticommuniste. Borella nourrit d’ailleurs son argumentaire du très dispensable Eloge de la société de consommation de Ruyer. On ne saurait faire moins traditionnel mais c’est assez capitaliste et libéral. Chez Borella, la tradition devient supposément l’alliée de la société de consommation que Ruyer opposait au communisme et saint Thomas, un serviteur des milliardaires. En fin de compte, il y a bien de l’opium dans tout cela. A tout mélanger, en refusant la nécessaire coexistence du matérialisme et du spiritualisme, on fait de l’idéalisme tel que les marxistes l’ont, parfois avec trop de zèle, critiqué. Et cet idéalisme sert manifestement très bien le capitalisme, mais aussi – on l’a vu – les différentes formes de fascisme, de libertarianisme d’extrême droite, etc. qui servent toujours en fin de compte le Capital[24]. Il n’y a donc pas à opposer matérialisme et spiritualisme. Au plus, on peut constater la disparition ou la prédominance de l’un ou de l’autre dans tel système de pensée. Ce n’est pas chez Marx qu’on trouvera la belle philosophie religieuse, la grande métaphysique « traditionnelle ». Mais ce n’est pas chez Guénon, ni dans la scolastique qu’on trouvera la lutte des classes, bien réelle, et la réalité de la production de la plus-value et des rapports capitalistes de production. On ne lit pas Guénon, et pas plus Borella, pour penser l’économie et les luttes sociales nécessaires au progrès humain. On préfèrera, pour dire le moins, Alain Bihr [25]. Pour s’instruire sur la métaphysique pure, la mystique et l’ésotérisme chrétien, on ne lira pas Alain Bihr – qui ne s’y est pas risqué ! – mais Borella, Marie-Madeleine Davy, et pourquoi pas Evelyn Underhill, trop oubliée. François Jollivet-Castelot, en prêchant pour un communisme spiritualiste, ne rejette pas les analyses matérialistes de Marx. Il met en garde contre un rejet de tout spiritualisme. Or, il n’est entendu ni par les communistes athées, ni par les ésotéristes droitistes. Ce qu’on continue souvent à mépriser sous le nom d’« occultisme » a encore bien des vérités à nous apprendre. On pourrait commencer par ne plus opposer a priori matérialisme et spiritualisme. Ensuite viendra peut-être la redécouverte d’un ésotérisme chrétien qui ne rime pas nécessairement avec droite ou extrême droite et qui permet d’être progressiste, de gauche, d’extrême gauche et traditionnel. La tradition est vivante, il ne faut pas céder aux tentations muséales qui ont plus à voir avec la mort qu’avec l’esprit. [1] R. Vanloo, « François Jollivet-Castelot » dans Les Marges du christianisme. « Sectes », dissidences, ésotérisme, sous la direction de J.-P. Chantin, Paris, Beauchesne, p. 138-139. Voir aussi R. Vanloo, « Jollivet-Castelot : de la Rose-Croix au communisme spiritualiste dans Politica Hermetica, 21 (2007), p. 86-97 et J. Vilbas, « Des sciences maudites au communisme spiritualiste. Cheminement ésotérique et parcours politique de François Jollivet-Castelot (1874-1937) » dans Politica Hermetica, 37 (2023), p. 79-87. [2] F. Jollivet-Castelot, Communisme spiritualiste, Sin-Le-Noble, 1925, p. 7. [3] J. Vilbas, Op. Cit., p. 87. [4] F. Jollivet-Castelot, Communisme spiritualiste, Sin-Le-Noble, 1925, p. 10-11. [5] Ibid., p. 15. [6] M. J. Sedgwick, Le Monde moderne. Le traditionalisme et l’histoire intellectuelle secrète du XXe siècle, Paris, Dervy, 2004, p. 299-300. [7] S. Fath et J.-P. Laurant, « La tradition selon Steve Bannon. Déclinaison géopolitique d’un discours alternatif » dans Politica Hermetica, 33 (2019), p. 142-144. [8] M. J. Sedgwick, Op. Cit., p. 313. [9] P. Ducay, « Situation intellectuelle de l’œuvre de Jean Borella » dans Jean Borella pour tous. Introduction à son œuvre, Paris, L’Harmattan, 2025, p. 46-47. [10] P. Ducay, « La réfutation de l’athéisme philosophique » dans Jean Borella pour tous. Introduction à son œuvre, Paris, L’Harmattan, 2025, p. 151-152. [11] Ibid., p. 152. [12] Ibid. [13] Ibid., p. 149. [14] R. Caty, « Le travail des enfants au XIXe siècle dans les Bouches-du-Rhône et le Var. Discours et pratiques des élites » dans Enfants au travail, Sous la direction de Roland Caty, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2017, p. 23-40. [15] J. Borella, Marxisme et sens chrétien de l’histoire, Paris, L’Harmattan, 2016, p. 57. [16] Ibid. [17] Voir son très sérieux et très amusant Antimanuel d'économie. [18] J. Borella, Op. Cit., p. 77. [19] K. Marx, Manuscrits de 1844, Paris, Editions G.F., 2025. [20] M. Henry, Marx, Paris, Gallimard, 2009. [21] J. Borella, Marxisme et sens chrétien de l’histoire, Paris, L’Harmattan, 2016, p. 84. [22] K. Marx, Un chapitre inédit du Capital, p. 53. Je cite l’édition électronique produite par Jean-Marie Tremblay, professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi, de K. Marx, Un chapitre inédit du Capital. https://classiques.uqam.ca/classiques/Marx_karl/capital_chapitre_inedit/capital_chapitre_inedit.html [23] Ibid., p. 57. [24] Le travail de Johann Chapoutot est, sur cette question, indispensable et salutaire. [25] A. Bihr, Les Rapports sociaux de classes, Lausanne, Editions Page Deux, 2012.
Un nouveau texte sur mon blog. J'aborde la question du matérialisme et du spiritualisme dans la littérature ésotérique contemporaine, en confrontant le communisme spiritualiste de François Jollivet-Castelot et la droite traditionaliste.
esoterismeetreligions.jimdofree.com/2025/08/05/m...