Zoom sur la DNEF : le service des enquĂȘtes fiscales
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La Direction nationale des enquĂȘtes fiscales (DNEF), est en charge de la collecte du renseignement fiscal en matiĂšre de fraudes complexes.
Au sein de la DGFiP, la DNEF, dotĂ©e de 380 agents, est en charge de la collecte du renseignement sur lâensemble de la fraude fiscale, de la dĂ©tection des schĂ©mas de fraude intentionnelle les plus sophistiquĂ©s, notamment Ă lâinternational, et des relations avec lâautoritĂ© judiciaire dans une perspective rĂ©pressive. Outre identifier les secteurs les plus « fraudogĂšnes », et les montages frauduleux qui seront traitĂ©s par dâautres services de lâadministration fiscale, la DNEF a pour objectif de susciter les modifications du cadre juridique dans lâoptique de les rendre impossibles, et dâinterrompre le plus rapidement possible ceux mis en Ćuvre, comme les carrousels de TVA ou dâorienter les contrĂŽles fiscaux afin de recouvrer lâimpĂŽt effectivement Ă©ludĂ© et de se saisir des fraudes les plus graves.
Une direction spécialisée dans le renseignement fiscal
La DNEF est lâune des trois directions nationales de la DGFiP spĂ©cialisĂ©es, aux cĂŽtĂ©s de la direction des vĂ©rifications nationales et internationales (DVNI) pour les professionnels et de la Direction nationale des vĂ©rifications de situation fiscale (DNVSF) pour les particuliers. « La DGFiP a fait le choix de spĂ©cialiser une direction dans la recherche dâinformation sur lâensemble des fraudes fiscales, plutĂŽt que de rĂ©partir la mission de recherche Ă lâintĂ©rieur des grandes directions thĂ©matiques », rĂ©sume la Cour des comptes dans un rapport rendu sur lâactivitĂ© de la DNEF Ă lâautomne 2024. Elle dispose pour ce faire de moyens humains, juridiques, voire technologiques qui ont Ă©tĂ© renforcĂ©s au cours des douze derniĂšres annĂ©es.
PrioritĂ© Ă la recherche dâinformations
La mission premiĂšre de la DNEF nâest pas le contrĂŽle fiscal, mais la recherche dâinformations permettant dâalimenter la programmation des contrĂŽles fiscaux, rĂ©alisĂ©s soit par les directions nationales spĂ©cialisĂ©es, soit par les services dĂ©concentrĂ©s, ainsi que la rĂ©pression des fraudes les plus significatives. Elle est avant tout une direction de recherche qui diffuse les informations au sein de lâadministration fiscale. Elle collecte lâinformation auprĂšs de sources multiples, soit via le monopole dâoutils spĂ©cifiques Ă lâadministration fiscale (visites domiciliaires, aviseurs fiscaux), soit via la collaboration avec des organismes extĂ©rieurs : Tracfin, autoritĂ© judiciaire, reprĂ©sentation Ă la mission interministĂ©rielle de coordination anti-fraude ou Micaf, pays Ă©trangers, etc. Cette collecte dâinformations a vocation Ă ĂȘtre diffusĂ©e au sein de lâadministration fiscale pour la mise en Ćuvre de contrĂŽles fiscaux.
La lutte contre la fraude patrimoniale monte en puissance
Bien quâelle ait compĂ©tence sur lâensemble des impĂŽts et taxes, lâactivitĂ© de la DNEF porte davantage sur la lutte contre la fraude professionnelle que sur la lutte contre la fraude patrimoniale. Cependant, soucieuse de renforcer sa visibilitĂ© sur ce sujet, la DNEF a créé fin 2020 un pĂŽle patrimonial renforcĂ© en 2024 par la crĂ©ation dâun nouveau pĂŽle, consacrĂ©e aux enjeux patrimoniaux. Lâenjeu pour la DNEF consiste Ă monter en puissance sur des sujets Ă©mergents : management packages , marchĂ© de lâart, trafic de biens culturels⊠Enfin, la DNEF Ă©volue rĂ©guliĂšrement pour sâadapter aux nouvelles formes dâinvestissement et de transaction. La DNEF sâest ainsi dotĂ©e dâune brigade spĂ©cialisĂ©e dans les nouvelles technologies et notamment les cryptoactifs.
La DNEF a le monopole des perquisitions et saisies fiscales
La DNEF dispose depuis 1984 dâune compĂ©tence exclusive pour lâexercice des perquisitions fiscales, qui permettent de saisir des documents en tous lieux, mĂȘme privĂ©s, sur le seul fondement de prĂ©somption de fraude grave et complexe dont les enjeux financiers sont sous le contrĂŽle du juge judiciaire. Lâexercice de ce droit constitue un outil indispensable Ă lâadministration fiscale pour trouver les Ă©lĂ©ments de preuve permettant de dĂ©montrer les fraudes les plus graves : dĂ©localisations abusives dâactivitĂ©s Ă lâĂ©tranger, politiques de prix de transfert, utilisations de logiciels permissifs (comptabilitĂ© ou caisse par exemple) ou encore montages en matiĂšre de crĂ©dit impĂŽt recherche. En 2024, 146 opĂ©rations de visites domiciliaires ont eu lieu dont 77 % portaient sur des problĂ©matiques internationales. Ces rĂ©sultats tĂ©moignent de la dĂ©marche volontariste de la DNEF dans la dĂ©tection dâactivitĂ©s occultes exercĂ©es en France par des sociĂ©tĂ©s de droit Ă©tranger et souvent par lâintermĂ©diaire dâun siĂšge de direction effective (SDE) ou dâun Ă©tablissement stable (ES). Les recours contre les procĂ©dures de droits de visite et de saisies sont quasi-systĂ©matiques. En 2024, la DNEF enregistre des rĂ©sultats Ă©levĂ©s concernant les contentieux portant sur les procĂ©dures prĂ©vues Ă lâ article L16B du LPF . Avec des taux de dĂ©cisions favorables de 93 % devant les cours dâappel et de 100 % devant la Cour de cassation, la DNEF confirme la soliditĂ© des procĂ©dures quâelle rĂ©alise au quotidien
La charge des aviseurs fiscaux
Elle est Ă©galement chargĂ©e de la mise en Ćuvre effective du dispositif des aviseurs fiscaux, expĂ©rimentĂ©e par voie lĂ©gale depuis 2017. Le dispositif des aviseurs fiscaux autorise lâadministration fiscale Ă indemniser toute personne Ă©trangĂšre Ă lâadministration qui lui dĂ©noncerait des faits permettant de recouvrer lâimpĂŽt. Initialement limitĂ© aux fraudes internationales, le dispositif a Ă©tĂ© Ă©tendu Ă la TVA puis Ă lâensemble des fraudes supĂ©rieures Ă 100 000 ⏠de droits. Les informations adressĂ©es Ă lâadministration fiscale doivent lâĂȘtre « de façon spontanĂ©e et non anonyme ». Les aviseurs se font connaĂźtre de maniĂšre volontaire. En dâautres termes, la DNEF ne peut en aucun cas ĂȘtre Ă lâinitiative en sollicitant ces dĂ©nonciations. En outre, elle doit obtenir de maniĂšre licite les informations quâelle souhaite exploiter. PrĂ©alablement Ă toute dĂ©cision dâattribution, les agents de la DNEF sont chargĂ©s de lâexamen de « lâintĂ©rĂȘt fiscal pour lâĂtat des informations communiquĂ©es » et du « rĂŽle prĂ©cis de lâaviseur ». Lâintervention de la DNEF permet un examen approfondi et de qualitĂ© des dossiers, tout en assurant la confidentialitĂ©. LâindemnitĂ©, qui fait lâobjet dâun examen au cas par cas, est versĂ©e Ă lâaviseur lorsque les droits ont Ă©tĂ© notifiĂ©s ou recouvrĂ©s. La dĂ©cision est prise par le Directeur gĂ©nĂ©ral des finances publiques, qui en fixe le montant, sur proposition du directeur de la DNEF, par rĂ©fĂ©rence aux montants estimĂ©s des impĂŽts Ă©ludĂ©s. LâindemnitĂ© nâest pas forfaitaire, mais constitue une forme dâindexation sur les rĂ©sultats.
Un rĂŽle actif en matiĂšre de fraude internationale Ă la TVA
La DNEF revĂȘt Ă©galement une dimension internationale en Ă©tant dĂ©signĂ©e comme autoritĂ© compĂ©tente en matiĂšre dâĂ©changes directs dâinformations en TVA communautaire, par exemple sur la fraude carrousel. La fraude carrousel en matiĂšre de TVA est un montage frauduleux qui fait intervenir plusieurs entitĂ©s Ă©conomiques de deux Ătats ou plus de la communautĂ© europĂ©enne. Il suppose lâexistence dâentreprises Ă©phĂ©mĂšres (« taxis ») ayant pour seule fonction dâĂ©tablir des factures de fournisseurs afin de permettre aux clients de rĂ©cupĂ©rer la TVA ainsi facturĂ©e mais non payĂ©e Ă lâĂtat. Selon Bercy, lâampleur de cette fraude apparaĂźt prĂ©occupante pour beaucoup dâĂtats membres puisquâelle peut reprĂ©senter jusquâĂ 10 % de leurs recettes nettes de TVA. Dans un souci dâefficacitĂ©, la DNEF a pris en charge des missions allant au-delĂ de la simple recherche dâinformation, dans la lutte contre la fraude internationale Ă la TVA : la nĂ©cessitĂ© dâune intervention rapide pour interrompre les comportements frauduleux et garantir le recouvrement de lâimpĂŽt justifiant le dĂ©veloppement de brigades dĂ©diĂ©es au contrĂŽle fiscal au sein mĂȘme de la DNEF.
Des propositions de contrĂŽle fiscal pertinentes
« Bien quâelle se soit adaptĂ©e, sur la derniĂšre dĂ©cennie, aux mutations Ă©conomiques (Ă©mergence du commerce Ă©lectronique et des cryptomonnaies, etc.) et Ă la montĂ©e en puissance de lâautoritĂ© judiciaire et Ă celle du renseignement, la performance de son activitĂ© de recherche reste difficile Ă mesurer », souligne la Cour des comptes en 2024. Cependant les propositions de contrĂŽle fiscal Ă©mises par la DNEF apparaissent particuliĂšrement pertinentes. En effet, Ă lâissue du travail de recherche, les brigades ou services renseignent des fiches dites « 3909 », qui sont des propositions de contrĂŽles. La DNEF en a produit en moyenne 717 par an sur la pĂ©riode 2018-2022. Seules 5 % des fiches 3909 créées dans lâannĂ©e ne sont pas retenues, câest-Ă -dire que le service qui a Ă©tĂ© dĂ©signĂ© comme Ă©tant chargĂ© du contrĂŽle fiscal a dĂ©cidĂ© de ne pas y donner suite.
Des acteurs multiples au service du renseignement fiscal
Ă ce titre, la DNEF coopĂšre avec les acteurs du contrĂŽle fiscal de la DGFiP et avec les autres acteurs publics de la lutte contre la fraude. Elle entretient des relations Ă©troites au sein des ministĂšres financiers : avec les services des douanes, via le protocole dâĂ©change dâinformations relatif aux transferts occultes ou aux dĂ©clarations de capitaux de personnes imposables en France et des ressortissants français Ă lâĂ©tranger mis en place en 2012, avec le service de renseignement financier Tracfin, dont elle exploite les signalements notamment en matiĂšre de TVA. La DNEF intervient Ă©galement dans la crĂ©ation de Task Forces. En 2023, une Task Force regroupant la DNEF, la DNRED (douane) et Tracfin a mis Ă jour un schĂ©ma de fraude douaniĂšre et fiscale internationale dans lâe-commerce. Le travail de coopĂ©ration interministĂ©rielle sâavĂšre stratĂ©gique : en collaborant avec les ministĂšres de lâIntĂ©rieur et de la Justice, la DNEF renforce lâidentification et le traitement des fraudes en rĂ©seau.
CoopĂ©ration avec les services dâenquĂȘtes judiciairesÂ
Depuis 2009, la procĂ©dure judiciaire dâenquĂȘte fiscale, la police fiscale, vise Ă identifier les auteurs et complices de fraudes complexes. Ă ce titre la DNEF coopĂšre avec la BNRDF (Brigade nationale de rĂ©pression de la dĂ©linquance fiscale), notamment pour rechercher des fraudes peu explorĂ©es, telles que les prix de transfert ou la fausse domiciliation de structures et comptes Ă lâĂ©tranger. La DNEF collabore avec lâONAF (Office national anti-fraude), spĂ©cialisĂ© dans les enquĂȘtes sur des fraudes fiscales complexes, notamment liĂ©es Ă des montages patrimoniaux.
Collaboration Ă©troite avec lâautoritĂ© judiciaire
Le parquet national financier (PNF) est un partenaire clĂ© pour la DNEF. Leur collaboration a Ă©tĂ© renforcĂ©e grĂące Ă lâ article L142A du LPF , qui facilite leurs Ă©changes en levant le secret professionnel. Le parquet de Paris, entre 2020 et 2022, a transmis 274 signalements Ă la DNEF. La DNEF a accĂšs Ă toutes les activitĂ©s du tribunal de commerce, et peut consulter lâintĂ©gralitĂ© du rĂŽle dâaudience, les jugements et les conclusions des parties. La DNEF entretient Ă©galement des liens Ă©troits avec le parquet europĂ©en : compĂ©tent depuis juin 2021 pour la fraude transfrontaliĂšre Ă la TVA.
Une activité répressive
Lâaction de la DNEF sâexerce sur les fraudes les plus significatives quâelle sâattache Ă judiciariser de maniĂšre prĂ©coce. Entre 2018-2022, la DNEF a ainsi saisi le procureur de la RĂ©publique sur la base de lâ article 40 du Code de procĂ©dure pĂ©nale dâune quarantaine de dossiers par an. Les dossiers de fraude Ă la TVA reprĂ©sentent lâessentiel des signalements Ă lâautoritĂ© judiciaire. 25 signalements ont ainsi Ă©tĂ© effectuĂ©s par la DNEF en 2022, visant 62 personnes morales ou physiques impliquĂ©es dans une fraude en rĂ©seau. Ce dispositif est complĂ©mentaire des plaintes pour prĂ©somption aggravĂ©e de fraude fiscale, ou plainte de police fiscale. Celles-ci permettent de mettre en Ćuvre les techniques dâinvestigation rĂ©servĂ©es Ă lâautoritĂ© judiciaire. La DNEF propose au bureau de lâaction pĂ©nale (SJCF-1C) une quinzaine de plaintes par an. Les plaintes effectivement dĂ©posĂ©es par la DGFiP proviennent pour un tiers de propositions de la DNEF. Ă cet Ă©gard, lâannĂ©e 2023 sâavĂšre exceptionnelle puisque la moitiĂ© des plaintes dĂ©posĂ©es par la DGFiP reprenaient des propositions de la DNEF.
Zoom sur la DNEF : le service des enquĂȘtes fiscales
06.08.2025 07:24 â đ 1 đ 1 đŹ 0 đ 0