 
                        
                La trumpisation du Parti québécois
                Nous avons toutes les raisons de nous inquiéter de la pénétration des politiques trumpistes au Canada. Pierre Poilievre et le Parti conservateur du Canada ne se gênent pas pour employer exactement les mêmes stratégies. Éric Duhaime et le Parti conservateur du Québec se le permettent également. À l’exception des conservateurs eux-mêmes, je pense que peu de gens contesteraient cette affirmation.
La trumpisation que j’observe, mais dont on parle moins, est celle du Parti québécois sous Paul St-Pierre Plamondon. Plus le temps passe, plus je lui découvre des stratégies communes avec le fasciste de la maison blanche.
Avertissement inutile: Comparer deux personnes ne signifie pas qu’on les considère identiques. Je peux considérer que Paul St-Pierre Plamondon s’inspire du manuel de Donald Trump sans croire qu’il rêve d’envoyer l’armée dans les villes gouvernées par ses adversaires. J’ai écrit « avertissement inutile » parce que les péespépistes ont probablement déjà commencé à écrire que ma comparaison est absurde avant même de lire ce paragraphe.
**La complaisance envers l’extrême droite**
Invité à résumer la position du Parti québécois sur l’échiquier politique au balado de Derek Fildebrandt, Plamondon a commencé en disant qu’il est « anti-radical left ». Le chef du PQ place donc l’opposition à la « gauche radicale » au centre de son idéologie. En revanche, il se désintéresse de la droite radicale, bien que celle-ci soit présente à l’intérieur de son propre parti. En novembre 2024, un reportage d’Étienne Fortin-Gauthier a montré les accointances entre le Parti québécois, le Bloc québécois et le regroupement d’extrême droite « Nouvelle alliance ». J’attends encore une seule intervention de Plamondon qui condamnerait la droite radicale avec autant de coeur que lorsqu’il condamne la gauche radicale. On ne l’entend pas non plus critiquer le masculinisme, dont « l’entrisme » dans nos écoles est pourtant bien mieux documenté que celui de l’islamisme. Je ne dis pas que Plamondon est d’extrême droite. Je dis qu’il semble craindre de s’aliéner le vote de l’extrême droite. Il n’a évidemment pas la même crainte pour la gauche radicale, qui ne vote déjà pas pour lui.
**La fabrication d’un ennemi imaginaire**
Le 28 mars 2023, Paul St-Pierre Plamondon a convoqué les journalistes à un point de presse pour se plaindre d' »une frange de gauche radicale, qui occupe beaucoup d’espace, même médiatiquement », « des gens qui se présentent comme des experts », qui auraient qualifié les péquistes d’extrême droite en raison de leurs demandes répétées de fermer le chemin Roxham. Aux journalistes qui lui demandaient des noms, Plamondon a refusé de citer un seul exemple. « C’est vous qui êtes journaliste. » Situation absurde, mais qui annonçait la suite des choses, puisque Plamondon se plaint constamment de cette « gauche radicale ».
En novembre 2024, Plamondon a fait plusieurs sorties contre le « wokisme ». Invité par Guy A. Lepage à définir le wokisme, il a répondu carrément que « C’est pas tant la définition du wokisme qui importe ». Bonne stratégie. Moins on définit l’épouvantail contre lequel on se bat, plus on peut l’associer à n’importe qui et plus on charme ceux qui comprennent que l’épouvantail est l’ennemi à abattre. Maurice Duplessis a passé sa vie à lutter contre le communisme, mais ne s’est jamais donné la peine d’en donner une définition.
On sait que Québec solidaire fait partie de cette gauche radicale woke impossible à définir. Elle englobe également « certains universitaires », « certains chroniqueurs », « certains militants »… De façon générale, elle semble inclure toute personne critiquant Plamondon à l’exception de la CAQ, du PLQ et du PCQ. Plamondon se présente donc comme le rempart contre un ennemi à la fois tout-puissant et insaisissable.
**L’intolérance aux critiques, en particulier celles des médias**
Paul St-Pierre Plamondon s’est bâti la réputation d’être « soupe au lait » ou d’avoir « la mèche courte » pour reprendre l’expression de Yasmine Abdelfadel. Il reproche aux chroniqueurs qui le critiquent leurs « procédés intellectuels fallacieux », « procédés intellectuels douteux », « déformations de propos », « accusations grossières », « procès d’intention »… Des reproches qu’il a notamment adressés à Rima Elkouri, Yasmine Abdelfade, Antoine Robitaille, Thomas Mulcair, Marie-Ève Doyon et Paul Journet. Comme s’il était absolument impossible d’être en désaccord avec ses positions sans être malhonnête.
Dernièrement, Pascal Bérubé a déposé une plainte à l’ombudsman de Radio-Canada pour des propos « inacceptables » tenus par Rachel Chagnon lors de l’émission Tout peut arriver du 27 septembre 2025. Pour rappel, Mme Chagnon a accusé le Parti québécois de viser l’homogénéité dans les classes avec ses nouvelles propositions en matière de « laïcité ». Elle termine sa phrase par « et pourquoi pas tous blonds aux yeux bleus? » Dans les jours qui ont suivi, Plamondon s’est plaint d’avoir été accusé de racisme.
Pascal Bérubé fait de la politique depuis assez longtemps pour savoir que sa plainte n’aura aucune conséquence. Il sait comme moi quelle sera la réponse de l’ombudsman: « Ces opinions ne sont pas celles de Radio-Canada : elles appartiennent aux personnes qui les expriment. » Combien de fois Justin Trudeau et François Legault ont-ils été accusés de fascisme pendant la pandémie? Je ne crois pas que leur bureau respectif se soit plaint à chaque fois. S’ils l’ont fait, ça n’a visiblement rien changé. Le but d’une plainte comme celle de Bérubé est simplement d’intimider. Que les personnes qui s’expriment dans les médias craignent les conséquences de s’attaquer au Parti québécois.
Même tactique lorsque Jean-François Lisée porte plainte au collège des médecins contre la psychiatre Marie-Eve Cotton. Nous avons eu des médecins députés, ministres et premiers ministres. Pensez-vous que le collège va sanctionner une médecin parce qu’elle critique le chef de la troisième opposition? L’objectif est encore une fois ici d’intimider.
À l’intérieur du parti, aucun chef péquiste n’a été plus difficile à critiquer que Plamondon. Le dernier officier du PQ à avoir osé remettre sa politique en question a été expulsé de la commission politique. Même des péquistes de longue date comme Louise Harel et Pierre Céré peuvent être associés à la « gauche radicale » pour avoir osé contredire le chef.
**Le pompier pyromane**
Depuis trois ans, Paul St-Pierre Plamondon pointe l’immigration comme explication universelle aux problèmes du Québec. L’immigration a selon lui causé le déclin du français, la crise du logement, la pénurie d’enseignants, la crise des services, la résurgence de l’homophobie, la hausse de la criminalité chez les jeunes, la baisse du taux de natalité, la stagnation du produit intérieur brut… Le chef du PQ aime pointer l’Europe du doigt, en dépeindre un portrait catastrophique et nous prévenir que c’est ce qui nous attend. En l’écoutant, on imagine des villes européennes où des quartiers entiers sont contrôlés par de le crime organisé et/ou par des islamistes.
Et le plus drôle, c’est que Plamondon accuse aussi l’immigration de… dégrader le climat social. Et de favoriser la montée de l’extrême droite. Bien entendu que si on répète constamment à la population que tous les problèmes sont provoqués par l’immigration, il se pourrait que des gens deviennent plus hostiles à l’endroit des immigrants et se rapprochent des groupes les plus agressivement xénophobes.
De la même façon, le PQ est en train de convaincre ses électeurs qu’il est urgent d’empêcher les élèves du primaire de porter des signes religieux. J’ignorais que c’était une préoccupation. On n’avait littéralement jamais entendu parler de ce « problème » avant que le PQ le fabrique de toute pièce. Mais Plamondon se présente comme un démocrate. Il ne fait qu’adresser les préoccupations des gens. Et lorsqu’il sera premier ministre, il va régler le problème qu’il a lui-même nourri. Bref, le pompier pyromane.
Consulter la liste des déclarations problématiques de Plamondon sur l’immigration.
**L’hostilité à la diversité de genre**
À l’automne 2023, Paul St-Pierre Plamondon associait les pronoms non-binaires et les toilettes mixtes à « l’idéologie de la gauche radicale ». En février 2025, le Parti québécois a été le seul parti à ne pas appuyer une motion dénonçant la montée de l’homophobie. L’actuelle députée de Terrebonne, Catherine Gentilcore, reproche au programme d’éducation à la sexualité d’être « fondé sur la théorie du genre ». Et comme la CAQ, le PQ s’oppose à l’écriture inclusive. Du populisme pur et simple, sans égard pour la haine qu’il peut engendrer.
Une lettre ouverte de Catherine Gentilcore, députée de Terrebonne, a dû être corrigée par La Presse (2 décembre 2024) parce qu’elle contenait une information mensongère sur le nouveau programme d’éducation à la sexualité, laissant entendre qu’on recommanderait aux enseignants d’apprendre aux enfants d’âge préscolaire que leur genre leur a été attribué par la société. C’est faux. Mais la lettre, qui a été lue par des milliers de personnes avant d’être corrigée, a bien transmis son message: « l’idéologie du genre » est à l’assaut de notre système d’éducation.
Lorsqu’il a commenté la triste polémique de « Mx Martine », cette enseignante non-binaire de Montérégie, Paul St-Pierre Plamondon est sombré dans la démagogie la plus totale, accusant la « gauche radicale » de vouloir « imposer (de nouveaux pronoms) dans le système d’éducation sans débat préalable sur le plan démocratique ». On parlait toujours bien d’une seule enseignante qui avait demandé à ses élèves de l’appeler Mx. Comment est-elle devenue une agente de cette infâme « gauche radicale »? Un tel discours a tout pour susciter la haine envers les personnes trans et non-binaires, faisant écho à l’imaginaire « lobby trans » dénoncé par les militants transphobes.
**L’anti-intellectualisme**
Les États-Unis n’ont jamais eu un président aussi hostile aux universités que Donald Trump. Les chercheurs qui ne lui disent pas ce qu’il veut entendre (ils sont nombreux puisque Trump n’aime pas la vérité) sont classés au rang d’ennemis de l’État et sont les cibles de toutes sortes de sanctions. Et on connaît l’hostilité des trumpistes pour le « wokisme » ou encore les mesures d’égalité, diversité et inclusion (EDI).
À une plus petite échelle, Paul St-Pierre Plamondon n’est pas très différent. Peu importe le nombre de recherches reconnaissant le racisme systémique ou vantant les bienfaits de l’EDI, du féminisme intersectionnel, de l’écriture inclusive, le chef du PQ les discrédite d’emblée parce qu’elles ne confirment pas ses propres biais. Il qualifie de « militants », d' »idéologues » et même de « charlatans » les chercheurs et professeurs d’université dont les recherches le contredisent.
En janvier, Plamondon était au balado Frenchcast dans lequel il a promis que son gouvernement allait « se réapproprier démocratiquement le contenu en éducation ». Il explique: « Je vais revendiquer le mécanisme de commission parlementaire avec des experts, mais des citoyens et des gens qui représentent des citoyens, pour que le débat ne soit pas le monopole “ d’experts ” qui sont en fait, parfois, des idéologues. » Faut-il comprendre qu’un gouvernement péquiste va décider de ce qu’il est convenable d’enseigner ou non à l’université, non pas en fonction de l’état de la recherche, mais en fonction de ses propres positions? Il n’y a rien de « démocratique » dans le fait de censurer des professeurs ou des chercheurs parce que leurs recherches ne flattent pas le gouvernement et son électorat dans le sens du poil.
**Conclusion**
Je n’hésite pas à affirmer que Paul St-Pierre Plamondon a copié plusieurs pages du manuel du fasciste de la Maison-Blanche. Et c’est inquiétant. Le trumpisme est une menace pour la démocratie, peu importe qui le met en place. Le Canada a évité le pire (au moins temporairement) en refusant de donner les clefs du pouvoir à Pierre Poilievre en avril. J’espère que le Québec saura en faire autant l’an prochain.
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