Béranger Enselme

Le NYT explique comment rédiger une chronique:
www.nytimes.com/2025/08/07/b...

Fil fort informatif pour celles et ceux qui sont passé à côté du dossier Foglia :

J’ai écrit dans un message précédent que « ça s’est mal fini » pour les chroniques de Foglia. I stand corrected, il y en a eu des franchement problématiques sur une longue période. Un fil à lire 👇

C'est certain, il le faisait déjà, à la façon de l'époque. En me replongeant dans son corpus pour ce fil, j'ai réalisé qu'il avait probablement eu beaucoup plus de poids que je ne le pensais intialement dans le tournant réac du Québec.

Foglia faisait ça aussi. Il s'est rendu en Irak au début des années 2000 et en Iran après le 11 septembre 2001, par exemple.

C'est possible, je vois que Jean V. Dufresne est décédé en 2000 et j'avoue que je n'en avais jamais entendu parler. Mais je me suis établi au Québec en 2002 et tout le monde autour de moi lisait Foglia. L'hommage qui lui est rendu ces jours-ci est intense et je ne suis pas surpris.

Merci!

Oui en effet. Je ne dis pas que c'est la faute à Foglia, ça aurait été quelqu'un d'autre si il n'avait pas existé. Ce qui m'intéresse c'est de comprendre la façon unique dont ces phénomènes se développent au Québec.

Je n'ai pas écrit que la montée du journalisme d'opinion était unique au Québec. Ce qui m'intéresse c'est comment ces phénomènes internationaux ou même mondiaux se développent et s'imposent ici — d'une façon souvent unique, justement!

Le problème c'est l'explosion des chroniqueurs dans le contexte d'austérité pour les salles de nouvelles, et d'une concurrence effrénée pour des annonceurs et un lectorat capturés par les géants numériques.

Merci! Oui d'où le titre de l'article du Devoir que je cite: «Un million de Foglia». Cela dit j'ai l'impression que les personnalités établies des médias continuent d'avoir une influence déterminante. Mais c'est difficile à évaluer.

Je comprends et je suis très critique de la prétendue objectivité demandée par la «déontologie» journalistique. C'est clairement quelque chose qui fait débat au Québec. Mais cette fois-ci je parlais d'autre chose!

Merci!

Au Québec en tout cas, puisque c'est de ça et de là que je parle, "journalisme d'opinion" est un terme assez bien défini et référence exactement le type de journalisme de Foglia.

... je suis persuadé qu'un reportage ou une enquête basés sur des faits étayés a plus d'utilité sociale que des chroniqueurs qui racontent leur vie et des anecdotes et donnent leur avis sur tout et n'importe quoi.

Merci! Je ne défends pas la prétendue neutralité ici! Je m'attaque au journalisme d'opinion que j'oppose à l'enquête et au reportage. Je ne prétends pas que ces derniers sont neutres ou qu'ils devraient l'être mais...

Alors oui, la Presse, les chroniqueurs d'aujourd'hui, tout ce monde peut remercier Foglia. Pierre Foglia, c'est un modèle d'affaires très rentable. Mais c'est aussi un phénomène socialement toxique.

...ce qui implique d'adhérer au «gros bon sens» qui est un concept conservateur par excellence. La pente est savonneuse, et ce que la Presse a amorcé avec Foglia s'est poursuivi avec Martineau dans Voir et a fini par se généraliser et dégénérer.

Une bonne affaire, mais encore faut-il attirer le chaland! Et rien de tel pour ça que le sarcasme, les opinions tranchées, la vulgarité, voire les insultes. Mais attention, il faut que le tout ne fasse pas fuir les annonceurs...

Il y a 10 ans, le nombre de journalistes d'opinion dépassait déjà le nombre de reporters à l'emploi dans les journaux. Ce choix fait par les médias est avant tout économique: pourquoi payer pour des enquêtes coûteuses quand on peut pour une fraction du prix remplir des pages d'opinions?

Un million de Foglia Le prince de la chronique se retire. Les prétendants au titre se comptent en masses.

Comme le soulignait cet article du Devoir, il y avait plus de chroniqueu·rs·ses au Devoir quand Foglia a pris sa retraite en 2015 que dans toute la presse écrite au temps de ses débuts.

www.ledevoir.com/opinion/chro...

Mais comme je le disais au début, ce qui a été inauguré dans la Presse à travers la carrière de Foglia, c'est l'ascension de la chronique et du journalisme d'opinion dans la presse écrite. Un virage lourd de conséquences.

Abattoir Foglia prise 2. Sept chroniques publiées entre 1977 et 1997, avant que la star de La Presse ne devienne "vieux".

Plusieurs féministes se sont penchées sur son cas peu reluisant de ce côté là par ailleurs...

Extrait de la chronique de Foglia du 14 mai 1996: S'cusez. Ils m'ont expliqué que de toute façon, ils boivent pas d'alcool, parce qu'ils sont musulmans. Leur spécialité, eux, c'est la chèvre. Ils m'en ont amené une blanche. Avec un porte-jarretelles noir.

D'ailleurs son islamophobie transparaissait à l'occasion, à travers des jokes douteuses sur les musulmans. Il aimait aussi utiliser des injures homophobes, racistes ou sexistes dans ses textes (au «second degré» souvent mais pas toujours, il revendiquait le droit d'utiliser N... par exemple).

Ce n'est pas anodin, venant du chroniqueur le plus lu au Québec à l'époque et adulé par la gauche souverainiste en particulier. Rappelons qu'au début des années 2000, même Martineau et Christian Rioux étaient contre les interdictions de signes religieux.

Extrait de la chronique de Foglia du 4 avril 2009 Je suis chrétien, bien sûr. Par ma culture, par mes valeurs, celles qu'on dit universelles, la démocratie par exemple; mais si, mais si, la démocratie a, avec le christianisme, un lien qu'elle n'a ni avec l'islam ni avec le judaïsme. Je suis chrétien aussi par la délicieuse sensation du péché qui m'a valu les plus beaux trips de cul de ma vie. Ou encore par cette valeur plus exotique qu'est la souffrance, la rédemption par la souffrance.

Foglia était un catho-laïcard. Il écrivait des chroniques contre le kirpan et le voile à l'école, mais soulignait les racines selon lui chrétiennes de la démocratie ainsi que sa propre culture chrétienne à lui.

C' est une très bonne nouvelle qui nous vient de France. Vous savez, ce pays de nuls, d'arriérés, de syndicalistes, de gauchistes, de, de, excusez, je m'étrangle........................................................... ....................................................... (le pointillé, c'est pour vous permettre d'exprimer votre propre francophobie. Allez-y, ça fait du bien, c'est pas honteux ni raciste, c'est pas du tout comme être anti-américain. Être anti-français, cela est permis (surtout ici), cela va de soi, ces petites grenouilles nostalgiques et républicaines sont tellement ridicules, tellement inaptes à la modernité, vous auriez tort de vous priver.) Reste que, parfois, ne vous en déplaise, il arrive encore aux Français de montrer la voie au reste du monde. Exactement comme au XVIIIe siècle, quand Montesquieu et Voltaire, et Diderot et Buffon (mais aussi Newton en Angleterre et Kant en Allemagne) faisaient triompher un rationalisme assez éblouissant pour que l'on nommât leur siècle celui des Lumières . Ils croyaient que la raison, plus que les dieux, pouvait mener l'humanité à la sagesse. On dirait bien que c'est le même esprit lumineux qui a inspiré la loi sur la laïcité que les Français vont se donner. La France s'apprête à interdire le voile islamique à l'école publique, tout comme la kippa des juifs, tout comme les grandes croix des charismatiques.

Dans la même veine, dès les années 1990, il prend position contre le «voile islamique» à l'école. Jusqu'à décréter que la loi française de 2004 qui prohibe le foulard en classe procède du même esprit "lumineux" que Montesquieu, Voltaire, Kant, Newton... Rien de moins.

By the way , croyez-vous qu'un premier ministre qui annonce qu'il va gouverner au centre gauche est un premier ministre qui s'apprête à démissionner le lendemain? Vous l'avez, votre réponse. Parizeau a été «démissionné» au nom de la political correctness . Ainsi va l'époque, plus préoccupée de morale que de tout le reste.

Par exemple, dans cette article du 2 novembre 1995, il défend Parizeau et son discours des «votes ethniques» et s'en prend au «politiquement correct». Limite complotiste, il prétend que Parizeau a été «"démissionné" au nom de la political correctness».

Concernant Foglia lui-même, j'ai lu ici et là qu'il avait surtout écrit des choses poches vers la fin de sa carrière (2015). Pas du tout. Dans les années 1990, il chroniquait déjà contre le «politiquement correct».

Tournant qui aura des conséquences désastreuses à partir du milieu des années 2000 au fur et à mesure que des faiseurs d'opinions de plus en plus réacs vont prendre de plus en plus d'importance. Concurrence oblige.